Michaël Gaumnitz
L'invité automne-hiver 2007
Pour parler de Michaël Gaumnitz, je ferai un détour par un autre Allemand rencontré dans une maison délabrée de la Loire. L’homme peignait, peignait et construisait. « Je m’excuse d’être écorché, d’autres sont morts » me dit-il. Chacune de ses peintures était comme marquée d’une tache, comme on parle d’une tache sur un poumon et que la radiographie révèle. C’est dans L’exil à Sedan que Michaël Gaumnitz va au centre de la tache, cherchant l’histoire terrible de son père, et la trouvant. Mais l’interrogation, toutes les interrogations sur l’histoire restent. Et Michaël compose des films, avec une ferveur habitée il travaille avec les images filmées, les archives, la palette graphique. La peinture vient souligner l’image ou la vider, ou encore la barrer et la transformer. La couleur, et beaucoup de noir et de gris, vient opacifier la perspective et éclairer le propos et la recherche de vérité. Dans Premier Noël dans les tranchées, à la manière des historiens de la micro-histoire, il se penche sur ces moments de fraternisation à la Noël de 1914. Pour quelques heures, quelques jours, les soldats allemands, français et anglais traversent les quelques mètres qui les séparent les uns des autres, ils chantent ensemble, s’offrent du tabac et des victuailles. L’événement sera passé sous silence. L’humain de ces hommes qui se sont vus en miroir ne doit pas être retenu par l’histoire. Dans une des lettres envoyée du front par un poilu, on lit :
« Je vous relate ce petit fait, mais n’en parlez à personne »…
Les films de Michaël Gaumnitz, pour reprendre un titre de l’historienne Arlette Farge, font partie des œuvres qui deviennent « des lieux pour l’histoire ».