François Caillat
L'invité printemps-été 2008
En regardant les films de François Caillat, on reste comme accroché à un paradoxe, quelque chose devient flou, issu même de la netteté des images, de la rigoureuse architecture sonore et d’un montage servant à la lettre les déroutantes propositions du réalisateur.
À la fin de Bienvenue à Bataville, un plan montrant des gens avec des torches dans la forêt lorraine et soudain on pense à Fahrenheit 451. Et que le cinéma de François Caillat se fonde sur l’oubli comme ressort de la mémoire. Là où, lorsque la disparition devient trop réelle, surgit une mémoire anhistorique, une mémoire des limbes, une mémoire construite non plus comme un livre d’histoire mais comme un roman, une pièce de théâtre, un poème ou un savant parterre de plantes sauvages. C’est flagrant dans L’Affaire Valérie où la disparition et l’oubli de “l’affaire” font surgir des récits. Sur fond de menaces. Celle de la montagne, des humains, de la froide construction d’un système, les stations de ski, qui sont comme Bataville un lieu de séduction où il faut être parmi les forts pour ne pas disparaître.
L’oubli comme ressort de la mémoire dans une démarche de documentariste, c’est l’inverse du témoignage du passé, c’est la mise en œuvre du hors-champ du témoin ou de l’acteur. D’où ce flottement étrange que provoque en nous la nature même des films de François Caillat. Et l’on imagine derrière les arbres, cachée dans les marais ou dans les anfractuosités de la montagne, une communauté éparse rassemblée là (échappée d’un Bataville), comme celle de ceux qui se souviennent, non pas de leurs vies et de leurs vécus, mais du texte des autres pris en soi. Ceux de la fiction de Ray Bradbury et du film de François Truffaut. Ne faisaient-ils pas œuvre de documentaristes en somme ?