Quelques citations de Marie Frering Marie Frering - bannière
Cachés dans les plis

Cachés dans les plis

Lieu de travail et lieu d’exposition, lorsqu’on est dans l’atelier d’Eric Martello, on est dans une datcha de bois blanchi habitée par un bestiaire de couleur.
Cachés dans les plis de la peinture apparaît ci ou là une figure. Animale, humaine ou fantasmagorique, impossible à dire d’autant qu’on s’interroge si on est seul à voir la figure ou si d’autres, et d’ailleurs le peintre lui-même, la voient également. Comme les baleines que Melville voyait si bien dans les nuages, cet œil suivi d’un long cou, cette crête de coq coiffant un bec ouvert, ce masque grec ou cette sorcière lovée dans un quartier de lune, est-ce moi qui les fait sortir de la forêt verte ou du plumage bleu ? Il y a bien pourtant une girafe qui boit le bleu d’une montagne et ailleurs un elfe emporté dans le bleu sombre du ciel…
Quelque chose pour moi évoque les gravures de Gustave Doré. Ni le trait, ni la peinture, mais une façon de raconter l’histoire écrite, le saisissement de Lot ou la barque de Caron, des images où il ne serait pas question du petit Poucet perdu dans la forêt, mais de la peur du petit Poucet prenant forme animée. La forêt n’est pas plus sombre, les nuages ne sont pas menaçants, au contraire la nature brille de tous ses feux, mais la peur est présente.
On dirait.
Tiens, on dirait une madone de lave poursuivie on dirait par cinq chiens noirs, tiens, on dirait une girafe, un hippocampe…
Tout dans la perception des dernières peintures d’Eric Martello tient dans ce on dirait. On dirait quelque chose comme un souvenir précis d’un rêve qu’on vient de faire. Au réveil on court après ce souvenir, dès qu’on est prêt à l’attraper, il glisse, se joue de nous.
Ne cherchez pas mes êtres fantastiques dans les peintures d’Eric Martello, vous ne les trouverez pas. Mais vous y trouverez peut-être les vôtres.

Marie Frering, 2006

Cachés dans les plis

Un texte de Marie Frering
 2006

Martello, on est dans une datcha de bois blanchi habitée par un bestiaire de couleur.
Cachés dans les plis de la peinture apparaît ci ou là une figure. Animale, humaine ou fantasmagorique, impossible à dire d’autant qu’on s’interroge si on est seul à voir la figure ou si d’autres, et d’ailleurs le peintre lui-même, la voient également. Comme les baleines que Melville voyait si bien dans les nuages, cet œil suivi d’un long cou, cette crête de coq coiffant un bec ouvert, ce masque grec ou cette sorcière lovée dans un quartier de lune, est-ce moi qui les fait sortir de la forêt verte ou du plumage bleu ? Il y a bien pourtant une girafe qui boit le bleu d’une montagne et ailleurs un elfe emporté dans le bleu sombre du ciel…
Quelque chose pour moi évoque les gravures de Gustave Doré. Ni le trait, ni la peinture, mais une façon de raconter l’histoire écrite, le saisissement de Lot ou la barque de Caron, des images où il ne serait pas question du petit Poucet perdu dans la forêt, mais de la peur du petit Poucet prenant forme animée. La forêt n’est pas plus sombre, les nuages ne sont pas menaçants, au contraire la nature brille de tous ses feux, mais la peur est présente. 
On dirait.
Tiens, on dirait une madone de lave poursuivie on dirait par cinq chiens noirs, tiens, on dirait une girafe, un hippocampe…
Tout dans la perception des dernières peintures d’Eric Martello tient dans ce on dirait. On dirait quelque chose comme un souvenir précis d’un rêve qu’on vient de faire. Au réveil on court après ce souvenir, dès qu’on est prêt à l’attraper, il glisse, se joue de nous. 
Ne cherchez pas mes êtres fantastiques dans les peintures d’Eric Martello, vous ne les trouverez pas. Mais vous y trouverez peut-être les vôtres.