Critiques

Dessous de Naples

par Eric Dussert, le Matricule des anges, avril 2013

Voir les dessous de Naples et survivre. Ça n'est pas le programme d'une vie policière, c'est une sorte de résumé bien trop hâtif du roman de Marie Frering. Et il pourrait laisser croire à un nouvel opus à la manière d'Eugène Sue, ce qu'il n'est pas, ou pas tout à fait. Parmi les rares collaborateurs de La Main de Singe (première et seconde série), l'Alsacienne Marie Frering a publié son premier court roman en 2008 : Désirée (Quidam) dont la densité, la vivacité furent très remarquées. Puis elle donna l'engageante Ombre des montagnes (Quidam, 2010), et, plus récemment, le Petit Peuple des airs, fruit d'un atelier d'écriture avec des scolaires illustré de gravures d'Elsa Frering (J.-P. Huguet, 2012). Et nous nous garderons bien de négliger qu'elle a traduit avec Orna Tourmanaouli le superbe et fascinant Livre d'Amba Besarion (Quidam, 2010), un ouvrage du Géorgien Besik Kharanaouli qui mérite d'être promu et salué. Avec Lumière noire, Marie Frering aborde aujourd'hui la fable, ou le conte moral. Entremêlant le récit de sept destins dans une histoire qui n'est pas préprogrammée, Marie Frering nous raconte une fin du monde locale (Fukushima version chimie italienne) qui serait un nouveau départ pour un Éthiopien, un prêtre spécialiste de Giordano Bruno, un bâtard de la Camorra, deux orphelins, un Islandais et un conducteur de char funèbre.

Soutenu par le réseau des souterrains nombreux où les Napolitains superstitieux astiquent les crânes des défunts pour obtenir leurs numéros de loto, Lumière noire laisse ouvertes les interprétations. Jusqu'aux flancs du Monte Vesuvio, ou dans la célèbre villa de Malaparte sur l'île de Capri, Marie Frering favorise un mouvement pendulaire entre le récit et le tarot de Marseille - il finit par devenir un personnage à part entière - qui pourrait en donner la portée. Gorgé du suc des références mythologiques des plus grandes pièces de l'art - du Caravage par exemple -, Lumière noire est un espace en soi. Comme une grotte offerte à chaque lecteur pour se protéger des radiations de la bêtise et une aventure pleine d'aspérités et de sens pour y accrocher son esprit. « Les penseurs se trompent lorsqu'ils méprisent les romans d'aventures (...) Cooper, Verne, Twain, Defoe, Stevenson ! Ce sont des inventeurs de chemins, des visionnaires ! Ils sont les alchimistes de la philosophie, les explorateurs du gai savoir ! »