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Cette petite fille à mille visages
Un ouvrage 
de Marie Frering
Quidam éditeur, 2005
80 pages, 10 euros
ISBN 978- 2-915018-27-1
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Critique

Cette petite fille à mille visages

lily-et-ses-livres.blogspot.com, 25 octobre 2008

«Lorsqu'on demande à Désirée où sont ses parents, elle répond fièrement qu'elle est une enfant posthume, nul ne sait où elle apprit ce mot mais son efficacité plaît à Désirée. Le questionneur est désarçonné, barrées dans sa gorge les stupides assertions dont on abreuve les orphelins. » 
Recueillie dès sa naissance par son oncle et sa tante, Oncle Pelam et Tante Nami, ceux mêmes qui l'ont mise au monde et fermé les yeux de sa mère, nommée par leurs soins de ce prénom qui évoque l'amour et l'attente, la petite fille grandit harmonieusement et… étrangement.

De sa mère, couturière, elle a hérité le don de parler avec les morts (… « mais elle ne le sait pas encore. »). Comme elle ne sait pas encore qu'elle appartient à la lignée de toutes ces «Désirée» au destin souvent tragique dont elle rêve les existences ou les saisit au vol comme des fulgurances. Elle appartient déjà, l'entrevoit peut-être, à cette lignée de rêveuses, ces nonnes couturières qui parlent aux âmes et rêvent des morts pour les soutenir et alléger leurs souffrances. Désirée protège, comme l'ex-voto de la double chaloupe, "La Désirée " partie de Nantes un certain 30 septembre 1806. Et surtout, Désirée fait parler les cœurs, sous son regard aucune âme ne saurait mentir. L'enfant fait surgir du tréfonds des entrailles, les poids, les histoires…

Etrange petite fille en vérité, 
« Désirée, dit l'Oncle Pelam, je suis un vieil homme et tu as raison, mais tes mots font aboyer en moi des chiens qui sommeillent. » 
Petite fille déjà vieille de plusieurs centaines d'années, petite fille auprès de laquelle les vieillards redeviennent des enfants. 
« Pelam et Nami sont des drôles de corps. Peut-être est-ce la vie avec Désirée qui les rend si fantasques. Ils se souviennent des choses qui leur ont été racontées à un quelconque moment de leur vie, et les vannes ouvertes, ils abreuvent Désirée de ce qui les traverse. Ils disent « ordalie », le mot passe les lèvres, monte au jour, s'échappe comme un clandestin sortant d'une soute, un jumeau ignoré qui hante et qui brûle. Ils sentent le feu sous les pieds mais ignorent ce que Désirée sait. Perplexes, ils sont transbordés par la Désirée dont ils ont hérité. Elle leur baratte le cœur à ces deux-là. Et ils ont le cœur écalé comme un œuf, babillonant. Ils redeviennent des enfants peureux. Désirée les rattrape par le col. Ils sont sur des braises ardentes, innocents. »

Impossible à vrai dire de parler de ce livre, tant il se découvre au travers de son écriture, des mots qui construisent peu à peu le récit. Longue nouvelle poétique et onirique, elle vous emmène dans des territoires inconnus, à la suite de cette petite fille au mille visages, une enfant poète, accoucheuse des âmes, des mots et des histoires. Un très joli récit, qui doit se lire lentement pour le goûter, comme on le ferait d'un poème.