Denis Gheerbrant
L'invité printemps-été 2007
Tout proche
Et difficile à saisir, le dieu !
Mais aux lieux du péril croît
Aussi ce qui sauve.
Friedrich Hölderlin, Patmos
Il est léger comme une plume, Denis Gheerbrant. Il s’installe en éphémère, avec peu, une tente, un sac à dos, une caméra, dans un camping, un paysage, dans le temps. Il se pose légèrement, regarde, écoute et filme. Le filmeur ne dérange personne, suscite juste ce qu’il faut de curiosité envers le solitaire qui est là. Denis ne va pas déranger les gens qu’il filme, mais il va nous déranger, nous les spectateurs de ses films. Autant il est moineau quand il tourne, autant c’est un regard d’aigle qu’il braque sur nous pour guetter ce que nous ferons de sa candeur. Même physiquement, il est comme ça, un regard d’aigle avec un corps de moineau ; lorsqu’il parle ses jambes bougent en écriture, on pense à Uccellacci e uccellini de Pasolini, à ce décryptage de la langue dansée des oiseaux après les saisons méditatives.
Denis Gheerbrant compose avec la vie. Comme disent certains de ces personnages : « la vie c’est ça », avec toujours un geste en forme de ponctuation, points de suspension, point d’interrogation, guillemets. Denis écrit avec la caméra, c’est un crayon qui court, se pose, recommence. Sans peur de faire des « fautes », et la caméra bascule vers l’écoute car « si quelqu’un te parle tu ne peux pas te soustraire à son regard ». L’alchimie du bord du gouffre de ses films nous raconte que chaque réussite humaine est doublée d’un ratage, et inversement ; qu’on a toujours besoin de regarder l’autre pour se comprendre. Denis Gheerbrant ne nous propose pas une vision du monde, il nous propose de regarder le monde, de se poser un instant, comme les oiseaux, sur un fil qui bouge.