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Un bien beau premier roman, infiltré de douleurs secrètes et de présences déportées
Un ouvrage 
de Marie Frering
Quidam éditeur, 2005
80 pages, 10 euros
ISBN 978- 2-915018-27-1
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Critique

Un bien beau premier roman, infiltré de douleurs secrètes et de présences déportées

par Richard Blin
Le Matricule des anges, n°98 – novembre 2008

Le destin, l'élection - sur chaque vie pèse cette insondable énigme. Surtout quand on naît orpheline comme Désirée, «enfant posthume» élevée par sa tante et son oncle.
«Elle leur baratte le cœur à ces deux-là. Et ils en ont le cœur écalé comme un œuf, babillonnant.»
C'est qu'elle fait des rêves étranges, est comme livrée sans défense à des forces d'attraction souveraine. Se sent traversée par de multiples présences dont l'émotion agissante déforme le monde, bouleverse le réel. Porosité proche de l'état médiumnique, qui lui fait croiser la vie d'autres Désirée et d'autres enfants malchanceux. Chaque détail devient signe, chaque événement cérémonie. Quand elle n'est pas salamandre errant dans les bas-fonds «décorsetés» du monde souterrain, elle organise des combats entre deux armées adverses d'enfants, les garçons habillés de vert, les filles de bleu, des silhouettes découpées dans des catalogues et «collées sur de grandes feuilles de bataille». A coups de ciseaux, le combat fait rage. Elle «les blesse, les ampute, des têtes sont coupées, des membres taillés en pièces».
Un moyen de témoigner d'une réalité défaite, d'un démembrement intériorisé. Une manière aussi de porter le fer là où se croisent le désir et les larmes, les joies et les peurs, le séparé et l'irréparable. Une façon d'ordonner en soi, pour un temps, les forces de l'obscur et de l'aube.

Une poétique du transfert, une spectographie des limbes, toute la magie d'une âme rêveuse qui, à son corps défendant, communiquerait avec celles des morts. Par échos, Marie Frering construit un univers poétique qui tient autant du voyage chamanique que de l'art des ellipses dilatées. «Elle est une petite fille comme les autres. C'est-à-dire pas grand-chose. Juste comme les poules qui transportent les âmes d'un monde à l'autre.»

Un bien beau premier roman, infiltré de douleurs secrètes et de présences déportées.