Fredi M. Murer
L'invité printemps-été 2010
L’Âme sœur est pour certains un film-culte. Autant par l’absolue œuvre d’art qu’est ce film que par l’incroyable façon “naturelle” dont le fil de la tragédie se déroule devant nos yeux. L’histoire raconte un amour incestueux entre un jeune garçon sourd et sa grande sœur. Ils vivent dans un chalet dans les montagnes suisses et sont de la famille des Irascibles. L’amour n’est pas choquant, jamais un gramme de ce qui pourrait être complaisant ou scandaleux. Rien. Un amour heureux voué au malheur. Et quand le malheur arrive, on est encore heureux de les voir, ces deux-là qui sont comme les couples mythiques frère-soeur qui sont, pour certaines civilisations, à l’origine de la création du monde. La montagne où ils vivent n’est pas un décor, c’est de la pente, de la roche, de l’herbe, des vaches, du bois, des pierres… Comme chez Charles-Ferdinand Ramuz, la montagne et les éléments parlent comme s’ils étaient des émotions en mouvement qui frappaient, touchaient, s’insinuaient dans les êtres, les ravissaient, les bouleversaient. Fredi M. Murer a tout écouté, tout regardé de cette vie paysanne dans les montagnes. Après son documentaire Ce n’est pas notre faute si nous sommes des montagnards, on aurait pu imaginer une fiction qui soit un drame de montagnards. Mais non, c’est de l’intime de chaque être humain qu’il s’agit, qu’il soit accroché au flanc d’une montagne ou qu’il vive ailleurs. Ce qui change, ce sont les gestes de tous les jours, et là-haut, des gestes dépend la survie. Dans les montagnes du Caucase, on dit que ce qui fait que le travail et la vie sont possibles malgré la dureté du quotidien, c’est l’amour, les corps qui s’aiment…