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Au-dessous du volcan
Un ouvrage 
de Marie Frering

Kyklos éditions, 2013
137pages, 15 euros
ISBN 978-2-918406-31-0
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Critiques

Au-dessous du volcan

par Vénéranda Paladino, Dernières nouvelles d’Alsace, avril 2013

Éclairé par une Lumière noire, le nouvel opus de Marie Frering s'ancre dans les souterrains de Naples, et épouse la forme d'un roman d'aventures philosophique. Elle oppose au désastre la puissance de l'imagination et la pensée de Giordano Bruno comme viatiques. Éblouissant.

L’oscillation de l'effroi à l'espoir, du bonheur à sa destruction, est le mouvement naturel qui, sous diverses formes, active la main de Marie Frering. La romancière d'origine alsa­cienne épouse les aspirations et la détresse des hommes.

L'homme est le rêve d'une om­bre, soumis à l'évidence du dé­sastre. Avec elle, le malheur a trouvé à qui parler. Mais il ne la fera pas taire. Car Marie Frering commerce avec les mots quand d'autres truquent la langue. Dans le souffle de la poésie, avec pour compagnons de route Roberto Bolano, Rimbaud, elle s'en va trafiquer dans l'incon­nu.

Depuis le premier roman, le très remarqué et intense Dési­rée (éd. Quidam, 2008), la voix infiniment modulée de Marie Frering, mue par une volonté de dire la vie avec la plus gran­de rectitude, ne cesse jamais de se réinventer.

Après l'ardente Ombre des mon­tagnes (éd. Quidam, 2010), et le plus récent et délicat Petit peuple des airs (éd. J.-P. Huguet), issu d'un atelier d'écritu­re avec des scolaires, illustré par sa nièce Eisa, elle tisse un roman d'aventures philosophi­que. Lumière noire (Kyklos édi­tions) emprunte son genre au conte initiatique, moral. Et ré­fléchit, dans les souterrains de tuf de Naples, « les ombres à l'intérieur de la terre ». Si on se souvient de l'expres­sion « voir Naples et mourir », Marie Frering lui substitue « voir les dessous de Naples et survivre ». Au pied du volcan, le Vésuve, la ville-monde qui célèbre depuis toujours l'épiphanie des contraires a ouvert ce chemin d'écriture. Qui passe aussi par la villa Malaparte à Capri où Godard tourna Le Mé­pris.

C'est dans un Naples d'après la catastrophe qu'elle met en scè­ne trois personnages qui choi­sissent de rester vivre dans les souterrains. Après le passage d'un nuage toxique, le padre Ciabatta, alsacien d'origine surnommé le schlappepater, spécialiste de Giordano Bruno -le libre-penseur de la Renais­sance-, Samuel l'Éthiopien, cantonné aux sales boulots en butte au racisme, et Gianni, le bâtard de la Camorra, se réin­ventent un futur. Leur nouveau départ passe par un cycle de métamorphoses. Leur voyage initiatique s'effec­tue à l'envers de celui de Jules Verne. Marie Frering s'est atta­chée, dit-elle, « à être dans l'ombre de Jules Verne et de Giordano Bruno ». Pour ce der­nier, le centre du monde ordon­né par Dieu s'est effondré, au profit d'une multitude de mon­des.

Réflexion passionnante sur les limites de la rationalité, Lumiè­re noire distille formidable­ment l'essence de la pensée de Bruno. Tire de mouvements contradictoires une dynamique inédite et s'abouche à l'imagi­nation. S'en remet confiant aux explorateurs du gai savoir que sont Cooper, Verne, Twain, Defoe.

Dans cette caverne, un théâtre d'ombres et d'objets (les crânes des défunts sont astiqués par les Napolitains superstitieux, la Camorra y entrepose ses tré­sors), ranime les pages de Sué­tone, l'histoire d'Haïlé Sélassié. Des emprunts au réel se tuilent aux mythologies. La figure de la méduse revisitée par la pein­ture du Caravage abolit la ter­reur.

Le tarot de Marseille en support de mémoire

Éclairés à la bougie, ces récits polyphoniques se transmettent par l'intermédiaire du tarot de Marseille. Des arcanes majeurs portent les quelques 136 pages. « C'est le réceptacle de mémoi­re inspiré de Bruno », précise Marie Frering. Loin de tout occultisme et de divination, le tarot de Marseille réinvente ici la façon de raconter les histoi­res. Dans la solitude du survi­vant.

L'intensité et la précision don­nent à Lumière noire toute sa force d'entraînement, sa capa­cité à créer de l'émotion. Marie Frering tient jusqu'au bout le lecteur sur la brèche qui, à la fin, s'interroge sur son propre cheminement. N'a-t-il pas com­me le padre oublié, un temps, de cultiver son imagination? Celle qui féconde te mémoire.  

Écouter l'entretien avec Marie Frering sur le site www.dna.fr, rubrique les + multimédia.

http://www.dna.fr/dossiers/2013/04/18/interview-de-marie-frering-%28premiere-partie%29

http://www.dna.fr/dossiers/2013/04/18/interview-de-marie-frering-%28deuxieme-partie%29

http://www.dna.fr/dossiers/2013/04/18/interview-de-marie-frering-%28troisieme-partie%29