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La peur, les rêves, les prémonitions...
Un ouvrage 
de Marie Frering
Quidam éditeur, 2005
80 pages, 10 euros
ISBN 978- 2-915018-27-1
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Critique

La peur, les rêves, les prémonitions...

par Richard Blin,
Le Matricule des anges, avril 2010

La peur, les rêves, les prémonitions, les chants, la difficulté d'évaluer le degré de danger et de sécurité, ceux qui gardent la foi en la beauté, voilà ce qu'illustre chaque séquence avec une force que les images ont perdue.
Ces montagnes sont celles qui dominent Sarajevo où Marie Frering a travaillé de 1994 à 1997, pendant et après la guerre.

Dans son livre - quatre parties composées de brèves séquences - elle évoque attitudes et comportements lorsque la vie est devenue survie mécanique.
« Nous sommes tous anormaux. Enfermés dans ce cirque de montagne. »
Manque d'eau, de gaz, d'électricité, de nourriture. La nuit comme le jour, obus, snipers, viols. Quel vêtement choisir pour la nuit quand elle « s'appelle feu et couvre-feu » ? Quand le matin « se réveille aussi assiégé que la veille » ? Les buissons bougent et parlent, le plaisir solitaire se pratique comme une prière pendant les bombardements, des formes inédites de résistance s'inventent, qui consistent à se laver soigneusement, à se soigner, à conserver ses cheveux longs. « Je veux qu'ils sachent que s'ils m'abattent, ce n'est pas un chien qu'ils abattent mais une belle femme. »

La peur, les rêves, les prémonitions, les chants, la difficulté d'évaluer le degré de danger et de sécurité, ceux qui gardent la foi en la beauté, voilà ce qu'illustre chaque séquence avec une force que les images ont perdue.

Frering est le Brueghel de Sarajevo dit John Berger.
Le déferlement de haine, la banalisation de l'horreur, l'hypocrisie de l'Europe de la bonne conscience, l'indifférence devant la tuerie yougoslave - « Ce n'est qu'une guerre de plus / la folie des Balkans / nous sommes fatigués / fatigués d'écouter / Que peut-on faire ? / C'est moche, je sais / mais cette crise n'est pas la mienne » -, la cruauté humaine, une autre femme, Adrian Oktenberg, les évoque dans Bosnie Elégie (ed. Isabelle Sauvage, traduit de l'américain par Séverine Weiss, préface de François Maspero).

Avec une simplicité désarmante mais terriblement poignante, elle dit la lumière empêchée des belles journées qui s'annonçaient, le désespoir, nos yeux cousus, l'innocence massacrée, les messages « lancés lancés lancés lancés » et qui « s'effacent ».